La vie à Cournonterral sous l'Ancien Régime

à travers la vie de nos ancêtres

Le compoix

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Régulièrement, la communauté de Cournonterral réalise une matrice pour le compoix. Le compoix est un ancêtre du cadastre qui sert à calculer la taille (un impôt royal) que doit chaque habitant.
Il s'agit en fait d'un gros registre dans lequel sont listés les biens de chaque habitant.
Une table (généralement située en début ou fin de registre) explique que le consulat a décidé par exemple :
- qu'une maison à deux étages représenterait telle somme à payer,
- que telle tuilerie représenterait telle somme à payer,
- qu'un champ dans tel état représenterait telle somme à payer...

Chaque bien est situé car on y explique que la parcelle "confronte" (= est voisine de) telle ou telle personne.

extrait de compoix

Par exemple pour la maison de Michel MALABOUCHE on peut lire (ci-dessus) :

"Une maison a trois estations dans les meurs confronte de terral les hoirs de
David Guilhien garbin et marin les rues grec Jean Molinier Contient dix sept cannes
fait deux livres seize sols huit deniers"

Ce que l'on peut traduire comme suit : "Une maison à trois étages dont les murs confrontent au Nord les héritiers de David GUILHIEM, à l'Ouest et au Sud les rues, à l'Est Jean MOLINIER. Contient 67,15 mètres carrés. Fait deux livres seize sols huit deniers."
La somme indiquée (2 livres, 16 sols, 8 deniers) correspond à la taille à payer pour ce bien.

Comme vous pouvez le constater, lire le compoix demande de s'habituer un peu au langage de l'époque et de l'endroit. Je ne peux que conseiller d'utiliser un lexique des mots occitans d'époque et les tables de comparaison entre les anciens poids et mesures du département de l'Hérault et les nouveaux poids et mesures.

Mais le principal est de connaître les termes des "confronts" qui sont effectués à partir des vents.
- le "terral" vient du Nord-Ouest, on considère cette direction comme le Nord,
- le "garbin" vient du Sud-Ouest, on considère cette direction comme l'Ouest,
- le "grec" vient du Nord-Est, on considère cette direction comme l'Est,
- le "marin" vient du Sud, on considère cette direction comme le Sud.

Pour chaque parcelle agraire, le degré de qualité est estimé. Celui-ci est très détaillé et on peut ainsi dire qu'un tiers de la parcelle est de telle qualité alors que les 2 autres tiers sont d'une autre qualité. Cette précision permet d'adapter la somme de taille à payer pour la parcelle.
Le degré de qualité de la parcelle, peut aller, jusqu'à la définition de 9 degrés (on retrouve cette échelle dans la table du compoix).
Il y a ainsi des terres avec un état:
- bon,
- moyen du bon,
- faible du bon,
- moyen,
- moyen du moyen,
- faible du moyen,
- faible,
- moyen du faible,
- faible du faible.

Après étude du compoix, on peut dire que la personne a, tant de biens et même dire combien elle a d'hectares agricoles par exemple. On peut même, moyennant un peu de travail supplémentaire localiser grossièrement les propriétés de la personne comme par exemple ici les propriétés de Michel MALABOUCHE. Cela demande de réaliser un fond de carte (j'ai utilisé la carte d'assemblage du cadastre de 1819, sur laquelle j'ai ajouté les lieux-dits).

carte du compoix de Michel MALABOUCHE

Avec encore un peu plus de travail, il peut même être possible de savoir d'où viennent les propriétés (héritage, achat…) et avec un peu de chance, les dates d'actes notariés.
Si on reprend l'exemple de la maison de Michel MALABOUCHE, en cherchant dans les usuels (qui reprenaient la matrice mais sur lesquels on n'hésitait pas à mettre des rajouts, des annotations en marge… et qui servaient plusieurs années), on apprend que la maison appartenait avant à Jaume QUARELLES.

extrait d'usuel du compoix de Michel MALABOUCHE

En cherchant un peu (surtout s'il n'y a pas de table alphabétique), on trouve le compoix de Jaume QUARELLES. On voit une annotation dans la marge. Celle-ci stipule que Jean MALABOUCHE a acheté cette maison par acte reçu par Me DUMAS, notaire, en l'an 1657.
On se doute alors que Jean l'a légué ensuite à son fils Michel.

extrait d'usuel du compoix de Jaume QUARELE

Et enfin dernière chose sur le compoix, si on prend le temps de noter combien chaque contribuable paye de taille, le compoix permet de resituer un peu la place sociale qu'occupait la personne concernée.
Par exemple, pour l'année 1727 Michel doit payer la somme de 50 livres et 10 sols en règlement de la taille réelle ce qui en fait le 15ème contribuable le plus important de Cournonterral (sur 318 contribuables).

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Tables alphabétiques du compoix

Pour mieux chercher dans un compoix, l'idéal est d'avoir une table alphabétique. Malheureusement, ça n'est pas toujours le cas. Pour faciliter mes recherches j'ai donc réalisé des tables que je laisse à disposition au format "pdf" à savoir :
- table de la matrice du compoix de 1519,
- table de la matrice du compoix de 1520,
- table de l'usuel du compoix de 1572 à 1605,
- table de l'usuel du compoix de 1606 à 1696 (tomes 1 et 2),
- table de l'usuel du compoix de 1697 à 1725 (tomes 1 et 2) (avec classement des contribuables en fonction de la taille payée),
- table de la matrice du compoix de 1727 (avec classement des contribuables en fonction de la taille payée),
- table du registre composite qui reprend des fragment de compoix de 1622 à 1780.

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Les mesures

Comme vous l'aurez remarqué, les mesures de l'époque ne sont pas les mêmes que les notres.
Pour les bâtiments, on parle de canne et de pan. Ces mesures de superficie sont les mêmes dans tout le département de l'Hérault.
A savoir :
- 1 canne carrée = 64 pans = 3,9497 mètres carrés
- 1 pan carré = 0.0617 mètres carrés

Pour les jardins, champs, vignes... on parle de cesterée, quarton et dextre. Pour compliquer un peu les choses, ces mesures agraires varient d'un lieu à un autre.
Pour Cournonterral la conversion est la suivante :
- 1 cesterée vaut 15.80 ares = 4 quartons = 100 dextres
- 1 quarton = 3,9497 ares
- 1 dextre = 0,158 ares

Pour me faciliter la tâche, j'ai utilisé un tableau Excel, que je laisse aussi à votre disposition.

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Les sommes

Vous l'avez également remarquer, on ne parle ni en Francs ni en Euros, mais en Livres
Pour faire simple il faut savoir qu'à l'époque, au niveau monétaire il y a :
- 1 écu = 3 livres - 1 livre = 20 sols = 240 deniers
- 1 sol = 12 deniers
- 1 denier - 1 mailhe ou maille = 1/2 denier - 1 pitte ou picte = 1/4 denier

Et la conversion ?
Il est assez difficile et aléatoire de donner une conversion en Euros. La monnaie de l'époque étant indexée sur l'or, certains font la conversion en fonction du prix de l'or.
Personnellement, je préfère m'appuyer sur le prix des marchandises et les salaires de l'époque par rapport à ceux pratiqués actuellement. Evidemment cela n'est pas très précis (d'autant que ces tarifs pouvaient varier beaucoup en fonction des famines par exemple) mais je trouve que ça donne un ordre d'idée.

Voici quelques prix pratiqués sous Louis XIV (source : site sur le pouvoir d'achat sous Louis XIV) :
- un repas dans une auberge comprenant pain, viande, bière = 5 sols
- une petite maison avec une cheminée, 2 portes, 2 fenêtres = 200 livres
- 500 gr de sucre = 14 livres
- 500g de viande = 5 sols
- un pichet de vin (qualité moyenne) = 4 sols la pinte (1 litre à peu près)
- une livre et demie (1,5kg) de pain = 3 sols
- salaire d'un soldat = 5 sols/jour

Cette même source estime que le repas à 5 sols peut correspondre au plat du jour d'une brasserie facturé 10 €. Cette base me semble tout à fait correcte.
On peut donc en déduire, si 5 sols sont équivalent à 10 € que :
- 1 livre = 20 sols = 40 €
- 1 sol = 2 €
- 1 denier = 0,17 €
- 1 mailhe = 0,085 €
- 1 pitte = 0,0425 €

Je laisse à votre disposition un tableau Excel, afin de convertir les prix de l'époque sur cette base de 5 sols pour 10 €.