Cournonterral au coeur des guerres de religion
Les guerres de religions sont une longue série de persécution envers les protestants qui se sont un peu calmés depuis l'Edit de Nantes promulgué par Henri IV en avril 1598.
Malheureusement la situation va à nouveau dégénérer sous Louis XIV qui, en 1681, envoie les dragonnades forcer les familles protestantes à se convertir.
Puis, en octobre 1685, Louis XIV fait paraître l'édit de Fontainebleau qui révoque l'édit de Nantes. Les protestants déjà réduits en nombre depuis un siècle, sont obligés de se convertir ou de s'exiler (s'ils ne sont pas pris, auquel cas ils risquent les galères ou la mort).

Métiers interdits
A Cournonterral, des membres de la R.P.R. (Religion Prétendument Réformée = protestantisme) sont même consuls (en général il y a 1 consul catholique et 2 consuls R.P.R.) et ce depuis 1653.
Seulement en 1665, la Communauté se fait rappeler à l'ordre et doit remplacer les consuls de la R.P.R. par des consuls de la religion catholique romaine.
On apprend par le récit de Marie MOLINIER que les sages-femmes protestantes n'ont plus le droit de pratiquer.

Relations entre catholiques et protestants
Parfois, comme cela peut arriver entre deux camps, il y a des accrochages entre catholiques et membres de la R.P.R.
Nous en avons un exemple avec un incident survenu dans la maison de ville en 1682 entre Raymond PUECH et David AUBRESPY.
Mais, on note aussi (grâce au récit de Marie MOLINIER) que nombre de catholiques aident activement (en les cachant chez eux) ou passivement (simplement en ne témoignant pas de ce qu'ils ont pu voir) les protestants.

Abjurations ou exil
Puis, en 1685, après l'Edit de Fontainebleau, on trouve dans les registres de Cournonterral les noms de protestants ayant abjurés "l'hérésie de Calvin":

Esther ANDRETTE femme d'Antoine MOLINIER (37 ans)
Jeanne ARNAUDE femme de Thomas DUCROS (38 ans)
Jacques AUBOIN (21 ans), fils ainé de Jacques et Jeanne BOULETTE, de Sommaire (Nîmes)
Abraham BASTIDE
Abraham BASTIDE (fils d'Abraham et Anne BOUTAILLE) (20 ans)
Antoine BASTIDE qui est l'oncle Marie MOLINIER et qui sera emprisonné 4 mois à Montpellier pour l'avoir aidé à s'échapper du royaume.
Barthelemy BASTIDE
Etienne BONNIER fils de David (25 ans)
Anne BOUTAILLE femme d'Abraham BASTIDE (50 ans)
Samuel BOYER (50 ans)
Samuel BOYER fils de Samuel (20 ans)
Suzanne BOYERE, fille de Samuel (14 ans)
Isabeau COURTISSONNE femme d'Etienne ROUQUET (25 ans)
Jean DUCROS (23 ans), fils de Pierre et Suzanne JOURNETTE, de Sumene (Nîmes)
Jean (17 ans) et Jacques (15 ans) DUPON, frères, de l'Esperrou (Nîmes), bergers de Mr FIZELS
Pierre FENOUILLAC
Suzanne FENOUILLAC
André FERRIERE, fils de feu André
David FERRIERE, fils de David (26 ans)
Jean FOUQUIER fils (16 ou 17 ans)
Jacques HERAU et Marie BOUNIERE (sa femme)
Etienne PAGES (15 ans), de l'Esperrou (Nîmes), berger de Mr FIZELS
Esther REBOUILLE femme de Pierre FENOUILLAC (29 ans)
Suzanne ROUVIERE femme TREBOULON (37 ans)
Suzanne VALETTE femme de Sr CAMBASSE, chirurgien
Difficile de dire quelles familles ont choisies l'exil mais en faisant quelques recherches je sais qu'il y a eu :
- François VERGNES, que l'on retrouve lors de son transfert de Narbonne à Montpellier avant le 16 septembre 1686,
- Antoine MOLINIER, négociant qui s'expatrie à Genève puis sa femme, Elisabeth BAUDOUIN (ils se sont mariés à Nîmes en 1677) avec 2 de leurs enfants. Leur troisième enfant, Marie, née en 1684 est trop jeune pour entreprendre le voyage. Elle est confiée à sa tante. Elle laisse un témoignage écrit à ses enfants qui est extrêmement intéressant.
En 1692, ordre est donné de "procéder à l'état de tous les fugitifs qui ont quitté le royaume". Le consulat doit donc reprendre tous les compoix des protestants qui ont fuit et les transmettre aux autorités, à Montpellier. En fait ses biens seront purement et simplement confisqués. Même si des membres de la famille (même époux ou épouse) sont restés ils n'ont plus le droit de récolter une parcelle qui a appartenu à un fugitif par exemple.

Les lieux de réunion des protestants
En 1696, les protestants de Cournonterral (même s'ils ont abjuré) se réunissent principalement :
- à la grotte dont parle Marie qui est la grotte de Bioge (ou Baume de Bioge), située à 2,3km du bourg de Cournonterral (au nord - nord-ouest), près de Crespine.
Le 23 juin 1696, l'intendant BAVILLE ordonna aux maire et consuls de Cournonterral d'en faire combler l'entrée avec de grosses pierres.
Le 12 mars 1719, le conseil de la communauté, ayant appris que la grotte avait été ouverte "depuis quelque temps",et jugeant qu'on pourrait y faire des assemblées, ordonna de la fermer une seconde fois.
En 1887, enfin, le maire de Cournonterral, Bastide Pompilius, fit briser les rochers qui en obstruaient l'entrée pour faciliter l'accès de la grotte aux visiteurs (d'après Charles BOST, dans les Prédicants Protestants, volume 2).
- au lieu-dit le Grand Pioch, à 4,3 km du bourg de Cournonterral. La plus élevée des grottes qu'on y trouve s'appelle encore en patois "Lou Temple" (d'après Charles BOST, dans les Prédicants Protestants, volume 2).

Condamnations
Pour le protestant qui se fait surprendre lors d'une de ces réunions secrètes, la sentence est, au mieux, une condamnation aux galères.
Nous savons par exemple que :
- Etienne TREBOULON, procureur (époux de Suzanne ROUVIERE qui a abjuré en 1685 et fils de François et Suzanne de SAINT-ESTIENNE) se fait prendre et est comdamné "pour assemblée" à Montpellier le 13 mars 1690. On le retrouve aux galères sous le numéro d'écrou 12092. Il est libéré le 22 mai 1697.
- Jean MAURIN, laboureur, (époux de Jeanne RIOLLE, fils d’Abraham et Esther AUBANAR) est condamné le même jour également "pour assemblée". Condamné à Montpellier pour assemblée, le 13 mars 1690. Il est sur les galères "la Grande" et "la Madame" sous le numéro d'écrou 12086. Il est libéré le 20 juin 1713 et se retire à Schaffouse.
- Pierre AUBRESPY (né vers 1676, fils de David et Suzanne CHEVALIER), est aux galères sous le numéro d'écrou 25213. Il est condamné à Grenoble le 13 novembre 1700 "pour fait de religion". Il est libéré le 22 mars 1708 pour servir dans les troupes du roi.
Pour les femmes protestantes la sentence est l'emprisonnement ou le couvent comme la Marquise des Vignolles, veuve du Président de la Chambre et sa fille qui se font internées dans un couvent (elle cache à ce moment là Etienne CAMBOULIVE, avocat et protestant en fuite).

Contre la rébellion des protestants
En 1702, comme il y a des "personnes qui mal intentionnées pour le bien et repot de l'état ne cessent de causer du trouble et du desordre dans plusieurs paroisses de la province et singulièrement dans les Cévennes, jusqu'à s'en prendre contre la personne des prêtres et ce portent à l'extrémité et brules les églises, et comme il pourroit arriver que ces malheureux pourroit faire quelque course dans ce pays pour attenter quelque entreprise contre la personne de Mrs les pretres et même à l'Eglise", il est décidé de nommer 10 gardes pour surveiller les 3 entrées de la ville. Il est donc nommé des officers de quartier à savoir :
- Jean FROMENT,
- Jacques BARBUT,
- Jean FORMY,
- Raymond BLAVET,
- Jean BLAVET,
- Pierre BONNET l'aîné,
- Antoine LAUX,
- Pierre FABRE,
- Jean ARBOUSSET,
- André RICOME,
- Jean CAILET,
- Jacques COMBRENOUX,
- Pierre LAUX,
- David TREBOULON,
- et Pons MICHEL.
Ils serviront à tour de rôle et "conduiront leur troupe prudemment".
Dans les officiers nommés, certains sont de "nouveaux convertis" (comprenez des protestants qui ont abjuré). Ceux-là "refusent de monter ladite garde presuposant que le port d'arme leur est defendu par des déclarations du roi et qu'à moins qu'il n'y ait des ordres exprès des puissances, ils se sont résolus de ne la point monter".
En 1703, par une ordonnande de Monseigneur le Maréchal de Montreuil, il est fait défense "de donner aucune retraite, vivres ni assistances de quelque nature et sous quel prétexte que ce soit aux fanatiques atroupés dans les cavernes et que pour eviter d'être surpris par les scelerats il est enjoint aux consuls de faire faire une garde jour et nuit aux avenues et dans les endroits où ils pourront découvrir lesdits scélérats afin que l'on puisse donner avis de leur arrivée aux communes voisines pour que l'on puisse prendre ensemble les mesures convenables pour avertir les troupes les plus proches."
En 1704, l'Intendant Baville, ordonne "que les nouveaux convertis du presant lieu payeront la somme de huit cent livres pour indemniser en partie le brullemant que les antiens catholiques ont souffert par leurs fanatiques".
Fait-il allusion à un incendie qui a eu lieu à Cournonterral (je n'en ai trouvé aucune trace dans les délibérations) ou parle-t-il des incidents qui ont eu lieu ailleurs dans le royaume et notamment dans les Cévennes ?