Michel MALABOUCHE
Né vers 1668, il est fils de Jean et François BRUNE. Pour voir son lien avec nous, c'est par ici.
Michel grandit et devient ménager.
En 1682, sa soeur Gabrielle se marie avec un bourgeois du village, Jean BONNIOL, qui est arpenteur. Le couple sera proche de son beau-frère Michel (Michel et sa femme sont parrain et marraine de leurs enfants).
Michel est bien intégré à la communauté et sera plusieurs fois consul ou conseiller politique.
Il est à noter qu'il sait au moins signer (ce qui n'est pas si courant à l'époque) surtout pour un simple ménager.
Une histoire de mule
Le 21 août 1693, alors qu'il a 25 ans, sa mule est envoyée dans le Piémont "pour le service du Roi" Louis XIV avec 7 autres mules.
Ces mules sont chargées de vingt quintaux d'avoine (soit 979 de nos kilogrammes actuels) fournis par les habitants de Cournonterral et répartis dans des sacs.
Il est précisé que les mules seront "renvoyées après l'expédition qui ne peut durer plus d'un mois".
Les mules sont envoyées à Grenoble afin d'aider à lever le siège de Pignerol. Pignerol est une ville du Piémont (alors province française) qui est assiégée par Victor-Amédée II de Savoie.
Pour aller de Grenoble à Pignerol, les mules passent par le Col de Vars puis le Col de Larche donc par la Vallée de l'Ubaye.
Catinat alors Maréchal de France libère enfin Pignerol le 3 octobre 1693.
En attendant, les habitants de Cournonterral ont fourni à tour de rôle toute l'aide nécessaire aux propriétaires des mules pour les labours, les récoltes du blé ou du vin…
Sur les 8 mules fournies par les habitants de Cournonterral, 5 reviendront (les 3 autres sont signalées mortes) le 17 décembre 1693 soit près de 4 mois plus tard (on est loin du 1 mois maximum annoncé). Michel sera dédommagé de 105 Livres (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 4 200 € en 2017).
Michel se marie le lundi 5 juillet 1694 à Cournonterral avec Catherine BLAVET. Je ne leur connais pas descendance.
Il est ensuite élu 3ème consul de Cournonterral pour l'année 1696-1697.
Autre guerre autre mule
Fin 1701, Charles II de HABSBOURG, roi d'Espagne meurt sans descendance. Il lègue la couronne par testament à Philippe, duc d'Anjou (petit-fils de Louis XIV). Après tergiversation, Louis XIV accepte ce testament et Philippe est couronné et devient Philippe V.
Cependant la famille HABSBOURG d'Autriche prétendait aussi à la couronne et la puissance que le couronnement de Philippe accorde à la France (Philippe étant aussi appelé à régner sur la France) fait peur.
La guerre débute en 1702 avec la Grande Alliance (Angleterre, Provinces-Unies, Autriche et Saint-Empire) face à la France et au nouveau roi d'Espagne. Jusqu'en 1704, la France et l'Espagne tiennent bon mais la situation s'inverse.
Le 21 février 1706, Michel voit encore partir une de ses mules qui part pour Barcelone.
En décembre 1708, Louis XIV demande la paix. La coalition exige l'abandon de Philippe V et sa participation aux opérations pour chasser son petit-fils en jetant contre lui l'armée française. Louis XIV, offusqué, refuse ces conditions humiliantes et poursuit la guerre. Il lance un appel aux Français et leur expose la situation (appel du 12 juin 1709).
En 1712, toute l'Europe est épuisée, cet épuisement ouvre la voie à une solution diplomatique. Au congrès d'Utrecht, chacun essaie de trouver une sortie honorable.
Philippe V conserve le trône d'Espagne (mais renonce, pour lui et pour sa descendance, au trône de France). La France conserve les précédentes conquêtes de Louis XIV (Flandre française, Roussilon, Lille, Artois, Franche-Conté, Alsace). En Amérique, elle cède l'Acadie et rend Terre-Neuve et la Baie d'Huson à la Grande-Bretagne. Elle doit aussi démanteler le port de Dunkerque alors grande base corsaire. Elle perd également le monopole de l'asiento (qu'elle avait obtenu au début du conflit et qui concerne principalement le droit de pratiquer la Traite des noirs dans les colonies espagnoles d'Amérique), au profit de l'Angleterre. L'Espagne cède Gibraltar et Minorque à l'Angleterre.
La France cède la forteresse d'Exilles et la vallée d'Oulx à la Savoie et reçoit en échange la vallée de l'Ubaye. Les combats cessent définitivement en 1713.
Quant à la mule de Michel MALABOUCHE, elle ne reviendra pas et lui sera remboursé à hauteur de 95 livres (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 3 800 € de 2017).
La taille
Pendant ce temps, la vie continue à Cournonterral et les habitants doivent toujours payer des impôts et notamment la taille réelle.
En Languedoc la taille est calculée à partir du compoix (un ancêtre du cadastre).
Le recouvrement est perçu par des hommes désignés dans la population de la paroisse. Ces personnes sont responsables sur leurs biens.
A Cournonterral, en 1707, c'est Michel qui est chargé de faire la levée de la taille par délibération du 15 avril.
Dans cette commune, celui qui est chargé de faire la levée, doit avoir au moins 2 personnes qui se portent caution. Ici se sont Pierre DARLES et Bartehemy GALABERT qui seront caution pour Michel MALABOUCHE.
Michel ne fait pas cette levée gratuitement bien sûr. Il a proposé d'être indemnisé de 12 deniers pour 1 livre c’est-à-dire que pour chaque livre récoltée, il garde 12 deniers (il faut 240 deniers pour faire 1 livre) soit 1 sol (12 deniers = 1 sol). En résumé, Michel prend une commission de 5% sur l'impôt.
On ne sait pas quel était le montant exact de la taille payée par la communauté de Cournonterral en 1707 mais par exemple :
-en 1697, elle était de 4 821 livres
-en 1727, elle était de 7 200 livres.
Si on table sur une taille hypothétique de 6000 livres, on peut estimer que Michel gagne 300 livres avec ce travail (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 12 000 € de 2017).
Puis la femme de Michel meurt et il se remarie le 1er juillet 1711 avec Jeanne BECAT, dans la commune voisine de Saint-Paul-et-Valmalle. Ensemble ils auront 4 enfants.
En 1716 il est élu 2ème Consul de Cournonterral pour l'année 1716-1717.
Le courtage
Le 4 juillet 1717 le consulat adjuge le courtage pour l'année à Michel MALABOUCHE.
Il est donc chargé, en 1717, de jauger et peser les boissons et les produits de boucherie.
Pour ce faire le consulat lui remet "les mesures de la ville et poids à crochets pour pouvoir mesurer et peser et en retirer salaire". On comprend donc que Michel prélèvera un pourcentage de cet impôt pour sa rétribution. Je ne connais pas ce pourcentage mais on peut supposer que la fonction était assez rentable puisque Michel a obtenu ce droit aux enchères. Le Consulat avait en effet appliqué un appel d'offre "à la surdite" c’est-à-dire que c'est la personne qui offre le plus d'argent (que l'on peut voir comme un loyer annuel) qui obtient le droit d'être officier-courtier.
Michel a dû payer 62 livres (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 2 480 € de 2017) pour obtenir ce droit.
Le compoix
En 1727, la communauté de Cournonterral réalise une nouvelle matrice pour le compoix.
Après étude de ce compoix, il est possible de dire que Michel MALABOUCHE a, en 1727 :
-une maison à 3 étages de 67,15 mètres carrés,
-une bergerie de 51,59 mètres carrés,
-une cour de 82,94 mètres carrés,
-un jardin de 402 mètres carrés,
-une aire (pour le battage du blé) de 237 mètres carrés,
-un champ à fourrage de 427 mètres carrés,
-5 champs représentant 22 775 mètres carrés soit 2,28 hectares,
-3 vignes représentant 21 748 mètres carrés soit 2,17 hectares,
-2 oliveraies représentant 10 365 mètres carrés soit 1 ,06 hectares.
Il a donc, uniquement en surface agricole, 55 315 mètres carrés c'est à dire 5,53 hectares.
On peut localiser grossièrement les propriétés de Michel cette année-là.
Pour l'année 1727 Michel doit payer la somme de 50 livres et 10 sols (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 2 020 € en 2017) en règlement de la taille réelle ce qui en fait le 15ème contribuable le plus important de Cournonterral (sur 318 contribuables).
Le garde-bois
A Cournonterral, tous les ans, on nomme un garde-bois. Pour ce faire on met des affiches auquel un ou plusieurs habitants répondent (un appel d'offre en somme). Il s'agit dans ce cas de "moinsdites", c’est-à-dire que la personne qui demande les gages (le salaire) les plus bas pour garder les bois pour l'année obtient l'emploi.
Le 4 aout 1729, Michel MALABOUCHE répond à une de ses offres. Il demande 180 livres de gages annuels (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 7 200 € en 2017). Comme il est le seul à se proposer, c'est lui qui est nommé pour garder les bois de la communauté et du seigneur des lieux.
Un garde-bois, mais pourquoi faire ?
Une des ressources de la communauté est la vente de coupe de bois (voir par exemple la fiche de Jacques VALETTE qui, en 1756, achète 3 coups de bois pour 12 800 livres). Seulement il arrive régulièrement que des habitants de Cournonterral ou des environs fassent des coupes sauvages occasionnant des dommages plus ou moins graves. Le garde-bois doit donc dénoncer les contrevenants. S'il ne le fait pas et qu'à la fin de son année de garde on constate des coupes sauvages, les dommages sont retenus sur ses gages.
L'année suivante, il est de nouveau nommé pour 162 livres de gages annuels (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 6 480 € en 2017).
Il est encore garde-bois en 1731, moyennant 100 livres de gages annuels (ce qui correspond selon la base du même calcul à 4 000 € en 2017).
Le 8 juillet 1730, Michel, alors garde-bois capture dans un bois de la communauté "une bourrique, un picon (c’est-à-dire une pique) et une serpe appartenant le tout au nommé Dauphiné du lieu de Pignan lequel coupoit du bois".
Le contrevenant payera une amende de 4 livres (ce qui correspond selon la base de calcul expliquée dans la page du compoix à 160 € en 2017).
Le même jour Michel a aussi dénoncé Etienne GOUDAYNE et Antoine BRUN qui coupaient et arrachaient, dans le même bois, un chêne vert. Les dommages sont considérés comme "considérables pour la communauté". Ces contrevenants seront poursuivis en justice.
Pour l'anecdote, juste avant que cette histoire n'éclate Etienne GOUDAYNE faisait des offres à la communauté pour devenir garde-terre. Il maintiendra ses offres après mais ce sont d'autres personnes qui seront employées.
Le 2 février 1731 (année où il est encore garde-bois), Michel dénonce des habitants de Pignan (ROUBERT, fils d'autre ROUBERT dit la Moustache, CAYROU, ROUQUET et GUIBAL) qui coupaient et déracinaient du bois dans les bois de réserve.
Le lendemain, à 5 heures du matin, Michel et plusieurs habitants de Cournonterral tendent une embuscade aux malfaiteurs et capturent une mule, 3 bourriques, 3 chevaux ainsi que les contrevenants.
L'affaire se règlera devant la justice.
On peut penser qu'il s'agit d'un métier assez sympathique mais parfois cela peut s'avérer dangereux. Par exemple le 6 août 1730, Michel dénonce le fils d'Antoine BRINGUIER qui coupait du bois dans les taillades et bois mis en réserve. Seulement le contrevenant n'en est pas resté là.
"ledit
BRINGUIER fils a été chez Michel MALABOUCHE
garde bois pour le maltraiter lui ayant donné
plusieurs poussades dans le visage, lui disant qu'il
vouloit le tuer et étant descendu de la maison dudit
MALABOUCHE, étant à la rue, lui auroit jeté une
grosse pierre à la fenêtre dudit MALABOUCHE qu'il
avoit manqué à le tuer"
La Communauté prend "fait et cause" pour le garde-bois et le fils BRINGUIER devra s'expliquer devant la justice.
On peut croire que cette menace de mort est un peu exagérée mais un garde a été tué à Cournonsec et cela arrivera à Cournonterral en 1760 (Jean MONTELS obtiendra d'ailleurs le poste ainsi libéré).
Décès
Michel MALABOUCHE meurt à l'âge de 70 ans le 10 septembre 1738. Il est inhumé le lendemain dans le cimetière de Cournonterral